L’action

Le protocole
« Erwin Wrum », Bob, 2012

L’action Nouveaux commanditaires est une initiative unique qui permet aux citoyens et citoyennes d’être à l’initiative d’une commande d’œuvre d’art ou de recherche, qui réponde à des enjeux sociaux, culturels ou environnementaux qui les concernent directement.

A travers une diversité de formes et de disciplines – arts visuels, architecture, design, théâtre, cinéma, littérature, danse, musique, bande-dessinée, sciences – l’action permet de faciliter et structurer la contribution citoyenne à la production culturelle dans les territoires, de valoriser les ressources locales, de créer du lien social et d’apporter une réponse sur-mesure à des problématiques spécifiques.

Développé au début des années 1990 par l’artiste François Hers, la Fondation de France et une poignée de médiatrices et médiateurs pionniers, l’action repose sur la conviction que l’art peut jouer un rôle significatif dans la société en répondant à des besoins spécifiques.

Expérimentée depuis 30 ans, avec plus de 500 œuvres réalisées, les Nouveaux commanditaires établit un mode de relation démocratique entre les personnes qui se réunissent pour agir et « faire société » : artiste, commanditaires, médiateurs, médiatrices et partenaires, dont les rôles et responsabilités sont définies par un protocole.

Le Protocole Nouveaux commanditaires, François Hers, 1990
1

Formation d’un groupe de commanditaires

Rencontres avec le médiateur ou la médiatrice, définition de l’orientation du projet et rédaction du cahier des charges.

2

Choix de l’artiste dont la pratique fait sens par rapport au cahier des charges

Sélection, rencontres avec les commanditaires, rédaction d’un contrat d’étude avec l’artiste, rendu de l’étude.

3

Préparation à la production

Études techniques, budget, autorisations, recherches de financements, contrats de réalisation et de maintenance de l’œuvre.

4

Réalisation de l’œuvre

Production, livraison et installation de l’œuvre, mise en place d’outils de communication.

5

Inauguration & vie de l’œuvre

Inauguration et vie de l’œuvre, accompagnement des parties prenantes pour l’activation et l’animation de l’œuvre sur le long terme.

Les acteurs et actrices

Tous sur le pont ! Les commanditaires et des habitant·es des trois villages sur le pont Rouchaud, juin 2023. © Guillaume Argento

Les commanditaires

« L’œuvre d’art joue son rôle de réunir des gens de différents univers. C’était bien quand on le disait théoriquement sur papier, mais c’est encore mieux quand on le vit. Commander une œuvre d’art ce n’est pas forcément ce qu’on fait tous les jours, c’est une responsabilité. Les Nouveaux commanditaires servent à ça je pense, à dire à des artistes que l’art doit aussi être auprès des gens normaux ». Bruno Lestienne, commanditaire

Les commanditaires sont des citoyen·nes, des habitants de métropoles, de périphéries ou de campagnes, de tout âge, de toute origine ou profession : habitant·es, charcutier·es, enseignant·es, élèves ou étudiant·es, colombophiles, médecins, batelier·es, fleuristes, adolescent·es, journalistes, chômeur·euses, ouvrier·es ou paysan·es. Des milliers de personnes en France, en Europe et dans le monde se sont impliquées dans la réalisation de près de 500 commandes. La diversité des commanditaires reflète une grande variété de préoccupations et d’aspirations.

Réuni autour d’un sujet partagé, le groupe de commanditaires peut être déjà constitué ou continuer à se construire au cours du projet. Aucune connaissance artistique n’est requise et aucun apport financier n’est demandé. Être commanditaire est néanmoins une responsabilité, ce sont eux qui identifient la problématique de leur commande et qui expriment leurs besoins et leurs souhaits dans un cahier des charges.  Elles et ils sont interlocuteurs de l’artiste et impliqués dans la construction de toutes les phases du projet.
Une fois l’œuvre réalisée, les commanditaires participent à sa valorisation et à son animation.

L’engagement des commanditaires est déterminant pour mener à bien le projet et leur rôle est crucial dans l’ancrage de l’œuvre sur un territoire.

Le groupe de médiateur·ices lors d’une séance de travail dans une salle à la Ferme du Buisson.
Séminaire des médiateur·ices à la Ferme du Buisson, les 15 et 16 décembre 2023 © Nina de Castro

Les médiateur·ices

« L’action Nouveaux commanditaires est une idée forte qui correspond pleinement à la participation citoyenne d’aujourd’hui : une ouverture sur l’autre et sur l’échange. Avec les commanditaires et les artistes, nous inventons des espaces de liberté, de pensée et de création. »  Marie-Anne Chambost, médiatrice

La mission des médiateur·ices est d’accompagner la collaboration entre les commanditaires, les artistes et les partenaires, en assurant une compréhension mutuelle et en guidant le processus de la commande. Issu·es du monde de l’art, de la culture ou des sciences sociales, les médiateur·ices possèdent une connaissance approfondie des pratiques artistiques contemporaines ainsi qu’une sensibilité aux enjeux de société et de territoire. Leur compétence réside dans la compréhension des besoins et des attentes des commanditaires et dans l’accompagnement des artistes dans la réalisation des projets.

Souvent directement contacté·es par les commanditaires, les médiateur·ices aident à formuler les besoins et les attentes, évaluent la faisabilité du projet et définissent les contours de l’intervention artistique. Ils et elles proposent les artistes dont le travail et l’approche sont les plus pertinents pour répondre aux besoins exprimés dans le cahier des charges.

Les médiateur·ices facilitent les rencontres et échanges entre les commanditaires et les artistes et veillent à ce que chacun·e puisse exprimer ses idées et ses attentes. Ils et elles accompagnent la recherche de financements, la relation avec les partenaires et institutions, ainsi que la production de l’œuvre et sa promotion.

Le réseau de médiateur·ices
Visite de l’atelier de Xolo Cuintle avec les commanditaires : Valentin Vie Binet et Romy Texier leurs présentent certaines des pièces réalisées. © Thomas Conchou

Les artistes

« Plus que concluante, notre expérience révèle une nouvelle forme de nécessité d’art, permettant une démocratie culturelle dont nous, artistes, nous pouvons ainsi être partie prenante. Poursuivre, développer et amplifier l’action Nouveaux commanditaires dans les territoires, à l’échelle nationale comme européenne, doit donner une place essentielle à la création artistique, non pas pour subsister mais pour exister. » Artistes dans la tribune du Monde du 9 mai 2021.

L’action Nouveaux commanditaires repose sur la rencontre et la collaboration d’un groupe de commanditaires avec un·e artiste (qui peut travailler seul, en duo ou en collectif). L’artiste doit comprendre et interpréter les besoins exprimés par les commanditaires pour proposer une œuvre qui qui fait sens par rapport à leurs attentes.

L’artiste est identifié·e et choisi·e en fonction de la nature et du contexte de la demande. Toutes les disciplines peuvent être concernées : arts plastiques, architecture, design, musique, théâtre, littérature, performance, danse, bande-dessinée, cinéma, sciences etc.

Dans un premier temps l’artiste réalise une étude artistique à partir du cahier des charges et en échange continu avec les commanditaires. L’étude validée, un budget de production est établi puis la phase de production peut commencer.

L’œuvre peut prendre des formes diverses : installation artistique, sculpture, parc, bâtiment, composition musicale, pièce de théâtre, film, livre, protocole, etc. Elle peut être permanente ou éphémère selon le contexte.

Les commanditaires, les artistes, la médiatrice, le maire et les élu·es de Guyancourt devant l’œuvre couverte, durant l’inauguration.
Inauguration de l’œuvre Rocher en Granite avec Bras, Lièvres et Banc, 2019, des artistes Daniel Dewar et Gérgory Gicquel en présence du maire et d’élu·es de Guyancourt © Blandine Schmitt Chambonneau

Les partenaires

« En s’engageant dans un partage d’égales responsabilités, l’ensemble des acteurs accepte de gérer, par la négociation, les tensions et les conflits inhérents à la vie publique en démocratie. » François Hers

L’expression de personnes décidées à faire société en donnant un sens commun à la création contemporaine mobilise de nombreux partenaires. État, collectivités, institutions, fondations, mécènes… Leur soutien est garant du succès et de la pérennité des commandes.

Chaque commande implique plusieurs partenaires tels que des élu·es locaux, des responsables d’administration, des entreprises… Ce réseau n’apporte pas seulement des ressources mais bien souvent aussi des expertises indispensables qui renforce l’ancrage local et assure la faisabilité de la commande. Les partenaires sont associés aussi tôt que possible au développement des initiatives.

L’œuvre produite, financée par des subventions publiques ou privées et par le mécénat, devient la propriété d’une collectivité et sa valeur est, non plus marchande, mais celle de l’usage que cette collectivité en fait et de l’importance symbolique qu’elle lui accorde. La propriété physique des œuvres, destinées à enrichir le patrimoine collectif, peut être transférée à un organisme habilité à en assumer la conservation et l’entretien dans des conditions définies par un contrat de maintenance établi entre l’artiste et le propriétaire.

Exemples

Dans la cour du CHU Saint Pierre, un groupe de personnes écoute un présentation dans le "Jardin la Nurserie". L'installation tout en vois est composée d'une terrasse centrale avec une structure avec une bâtisse ouverte et diverses plantes et mobiliers.

Jardin la Nurserie, Superflex, 2018

L’Agence Régional de la Santé Océan Indien souhaitait réunir le personnel de trois hôpitaux situés sur les îles de la Réunion et Mayotte autour d’une commande artistique partagée afin d’affirmer l’identité et la continuité territoriale entre les îles tout en suscitant l’échange et la collaboration entre les soignant·es, la culture réunionnaise et mahoraise, et la médecine moderne et traditionnelle.

En réponse, le collectif Superflex créé le Jardin la Nurserie : au cœur des hôpitaux de Mamoudzou, Saint-Denis et Saint-Pierre, trois jardins permettent aux personnels, patients et visiteurs d’apporter des plantes médicinales et des histoires liées à celles-ci, à jardiner, animer un atelier ou à simplement profiter de cette œuvre conçue comme un abri, un refuge, pour les plantes et les humains.

Médiation-production : Mari Linnman, 3CA
Crédit photo : R.Ravon

Deux vaches, en extérieur, portent des couvertures pensées par l’artiste Pierre Malphettes. L’une nous tourne le dos et mange depuis un seau. La seconde regarde l’objectif.

Optiques Limousines, Pierre Malphettes, 2013

Le Réseau Ferme ouverte en Périgord fait le souhait d’une œuvre d’art qui puisse interpeller les citoyens parfois éloignés du monde rural, questionner l’avenir de la paysannerie et signifier que le paysage se « fabrique » aussi grâce à leurs troupeaux de vaches paissant dans les prés.

Après avoir séjourné chez les agriculteur·ices Pierre Malphettes articule sa réflexion sur les vaches de race limousine et souhaite leur (re)donner toute leur élégance. Avec Optiques Limousines, il imagine pour elles des couvertures en tissu aux motifs inspirés de l’art optique pour les vaches limousines qui deviennent ainsi les « véhicules » de l’œuvre. Composée de plusieurs éléments - cinq couvertures en tissu aux motifs de l’Op’Art (art optique), dix photographies encadrées mettant en scènes les vaches dans leur environnement naturel, revêtues des couvertures et un chevalet permettant d’exposer une couverture dépliée - elle peut être exposée en totalité ou séparément et permet aux membres du réseau de la présenter dans leur exploitation agricole ou lors de manifestations professionnelles.

Médiation-production : Marie-Anne Chambost et Pierre Marsaa, Pointdefuite
Crédit photo : Bernard Dupuy

Dans un bâtiment, une performance chorégraphique d'une femme habillée en costume de chamane accompagnée de musiciens (un flutiste en premier plan), devant un public.

La 72593e partie du monde, Michel Aubry, 2014

Les membres de l’association Arbre, de l’association Engivane et le Parc naturel régional du Vercors ont passé commande d’une œuvre qui mette en avant le passé du territoire du Royans-Vercors, et notamment l’artisanat traditionnel et la tournerie-tabletterie, tout en pensant l’avenir et en rendant compte des énergies en présence.

La proposition de Michel Abry s’inspire d’une séquence de La Sixième Partie du monde de Dziga Vertov montrant une chamane de Sibérie qui danse. Il repense le costume de la chamane et lui associe des tubes sonores conçus dans la tradition de la tournerie. « Le son relie, comme la chamane, les éléments provenant de la forêt aux objets matériels. »
L’œuvre a été activée le 27 septembre 2014 par une performance chorégraphique de Marianne Baillot. Chaque année d’autres variations de la danse sont programmées avec des associations du Royans.

Médiation-production : Valérie Cudel, à demeure.
Mené dans le cadre du projet de coopération interparcs « Paysage industriel » avec les PNR de Lorraine, des Monts d’Ardèche, du Pilat et du Vercors.
Crédit photo : Phoebe Meyer

Vue de nuit du rideau coloré, déployé sur la façade vitrée. Des formes rectangulaires colorées sont imprimées sur ce tissu de 30m de long.

Beautiful Curtain #3, Lang/Baumann, 2019

Des usager·es et l'équipe d'infirmier·es du Centre Thérapeutique de Jour du Centre Hospitalier Guillaume Régnier ont passé commande d’une œuvre favorisant l’identification du nouveau bâtiment et œuvrant au changement de regard que les publics portent sur l’activité et les bénéficiaires du centre, tout en soulignant son aspect chaleureux, protecteur et ouvert sur l’extérieur.

Le duo d’artistes Lang/Baumann a répondu avec l’œuvre Beautiful Curtain #3 : des rideaux de 30 mètres de long sur lesquels est imprimée une composition de formes rectangulaires aux couleurs vives. Ils prennent place sur la façade vitrée du bâtiment, modifiant l’intérieur et l’extérieur du lieu. A l'intérieur, elle permet aux usager·es de s'approprier les nouveaux espaces en apportant des couleurs vives et une lumière chaleureuse. A l'extérieur, la façade du bâtiment se pare d'une large composition colorée qui agit comme un appel depuis la rue.

Médiation-production : Érice Foucault, Eternal Network et Anne Langlois et Patrice Goasduff, 40mcube.
Crédit photo : Patrice Goasduff

Plusieurs personnes portent une structure sur laquelle est posée un tuyau de canalisation, un homme joue d’un instrument à vent.

Le tuyau de Claveau, Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, 2022

Des habitant·es et architectes chargés de la réhabilitation du quartier Claveau passent commande d’une œuvre, un rituel en lien avec l’histoire du quartier, pour renouer avec un passé festif et convivial. Ils et elles souhaitent faire revivre cette cité-jardin, créée dans les années 1950, qui accueillait autrefois des fanfares et des fêtes.

En réponse, Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre proposent Le Tuyau de Claveau, un évènement convivial et populaire, décalé et joyeux, qui permet aux habitant·es du quartier de se réunir, marcher ensemble en suivant le tracé des canalisations : c’est l’invention de la procession du Tuyau, une manifestation pour implorer une prise en charge des sous-sols et soigner ce qui est invisible et souterrain. La procession a eu lieu le 2 juillet 2022 et s’est terminée par une fête et une dégustation d’une pâtisserie nommée « Le Tuyau de Claveau », nouvelle spécialité culinaire de ce lieu en pleine mutation.

Médiation-production : Marie-Anne Chambost et Pierre Marsaa, pointdefuite
Crédit photo : Guillaume Argento